« L’industrie m’a tué ». C’est le message choc qu’a affiché Éric Bot, pharmacien à Loison-sous-Lens et président par intérim de l’USPO (Union des syndicats de pharmaciens d’officine) du Pas-de-Calais. Un mannequin en blouse blanche suspendu à la façade de sa pharmacie, comme un cri d’alerte pour interpeller les passants. Samedi 16 août, sa pharmacie restera fermée. Et il ne sera pas le seul.
« Sur le secteur de Lens, quasiment toutes les pharmacies seront fermées. Au niveau du Pas-de-Calais, je pense que 90 % des pharmacies vont suivre le mouvement. Peut-être même plus.. », affirme-t-il.
Des remises sur les génériques en baisse
À l’origine de cette grève : un arrêté publié en plein mois d’août, qui réduit progressivement les remises commerciales que les pharmaciens peuvent obtenir auprès des laboratoires sur les médicaments génériques. Ces remises, qui pouvaient aller jusqu’à 40 %, seront plafonnées à 30 % dès le 1er septembre, puis à 25 % en 2026 et 20 % en 2027.
« Ce taux de 40 % n’était pas automatique. Il variait selon les molécules, de 2,5 à 40 %. Mais il représentait une part importante de l’équilibre financier de nos officines », explique Éric Bot.
« Ce qu’on gagne sur les génériques, c’est ce qui permet de payer les salaires, les charges, les loyers, l’électricité. Si on coupe là-dedans, on met en péril la survie de nombreuses pharmacies. »
Les petites pharmacies en première ligne
Pour le représentant syndical, ce sont surtout les petites officines rurales qui risquent de souffrir le plus de cette réforme :
« En campagne, les pharmacies dépendent majoritairement des médicaments remboursés, avec une TVA à 2,1 %. Elles n’ont pas la même activité de parapharmacie ou de conseil que les grandes pharmacies de ville. Ce sont donc elles qui seront les plus impactées. »
Et les conséquences pourraient être lourdes, selon lui : fermetures d’officines, absence de repreneurs, désertification médicale aggravée.
« Un jeune pharmacien qui s’installe et rembourse un emprunt, si on lui retire 20 ou 30 000 euros de marge, il ne tiendra pas. On va vers des fermetures, ou vers des pharmacies invendables car trop fragilisées économiquement. »
« Une décision sans concertation »
Au-delà de l’impact économique, la méthode du gouvernement est également pointée du doigt. « Aucune négociation. L’arrêté est tombé en plein été, comme souvent. Et le pire, c’est que le prix du médicament ne bouge pas. L’économie ne bénéficie ni à la Sécurité sociale ni au patient. Ce sont les laboratoires qui empocheront la différence. »
Une mobilisation appelée à durer
Ce mouvement du 16 août a émergé spontanément de la base, dans plusieurs départements, avant de s’étendre au Nord et au Pas-de-Calais. « On ne pouvait pas attendre septembre pour réagir. On est en train de se faire assassiner par l’État », tranche Éric Bot. Et cette grève ne devrait pas rester isolée. Dès la rentrée, les principaux syndicats envisagent d’intensifier la mobilisation au niveau national, avec des fermetures d’officines tous les samedis, à l’échelle nationale.
« Ce n’est pas facile à faire comprendre. Mais quand j’explique que cette réforme ne fait économiser aucun euro à la Sécurité sociale, mais qu’elle risque de tuer la pharmacie de quartier, les gens écoutent. On fait les poches des pharmaciens pour donner à l’industrie pharmaceutique, qui n’a pas besoin de nous pour être renflouée. » conclut Eric Bot.
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