C’est une première historique : ce dimanche 30 novembre, le parc d’Olhain accueille le tout premier Salon des vignerons des Hauts-de-France. Un rendez-vous inédit qui mettra en lumière une filière encore jeune, mais en pleine ébullition. Parmi les producteurs présents, Laurianne Carbonnaux, vigneronne à Fresnicourt-le-Dolmen, symbolise parfaitement cet essor inattendu de la vigne dans le Pas-de-Calais. Son domaine, né d’un pari audacieux, fait aujourd’hui partie des références régionales. Rencontre avec une pionnière qui croit dur comme fer en l’avenir du vignoble des Hauts-de-France.
Un pari “totalement fou”, devenu une réussite
Lorsque le projet démarre en 2019, rien n’est acquis. Laurianne Carbonnaux et son mari ne plantent pas quelques rangs “pour essayer”, mais 16 000 pieds de vigne, persuadés que l’aventure prendra. « C’était un pari totalement fou », reconnaît-elle. « Mais on y a cru dès le départ. » Les premières récoltes leur donnent raison : la production 2023 s’est écoulée entièrement, et 2024 suit la même direction. Sommeliers, cavistes et restaurateurs valident la qualité du vin : « C’est le juge de paix. »
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La viticulture régionale libérée en 2016
L’essor du vignoble dans les Hauts-de-France ne relève pas seulement du climat. Avant 2016, planter de la vigne hors des zones AOP ou IGP était interdit. La réglementation européenne évolue, entraînant l’émergence de projets en Bretagne, en Normandie et dans le Nord. « Le réchauffement climatique n’est pas l’origine de tout ça », nuance Laurianne. « Le dérèglement se ressent, mais la vraie raison, c’est que nous avons enfin eu le droit de planter. »
Un vin façonné par un terroir argilocalcaire
Le domaine produit aujourd’hui du chardonnay, bientôt rejoint par du pinot gris. À Fresnicourt-le-Dolmen, le terroir argilocalcaire et le microclimat des collines de l’Artois offrent une identité singulière. « Chaque terroir est différent. Même à quelques kilomètres, les sols ne se ressemblent pas. Notre vin ne sera jamais le même qu’en Bourgogne ou ailleurs. »
Le choix est clair : vendanges tardives, travail précis, et aucune chimie superflue au chai. « Le raisin doit faire le vin. »
Un produit porté par la fierté locale
Pour Laurianne, le vin est un langage universel : « Le vin, c’est de l’émotion : j’aime, je n’aime pas, peu importe. L’essentiel, c’est de toucher les gens. » Dans le village, la fierté est forte. La mairie a même accueilli les débuts du projet dans son garage : « Les habitants sont fiers. Les gens des Hauts-de-France aiment leurs terroirs. »
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Un savoir-faire qui s’adapte
Le climat change d’année en année : 2023, superbe millésime ; 2024, très humide ; 2025, excellent à venir. Mais les contraintes ne sont pas propres à la région. « Une vigne a besoin de soleil, d’une terre pauvre, et d’être un peu stressée. On ne pourra pas planter partout. Il faut choisir le bon sol et la bonne exposition. »
Le domaine produit entre 10 000 et 15 000 bouteilles par an, vendues à des particuliers, des cavistes et des restaurateurs. Le chef étoilé Christophe Dufossé travaille déjà leurs vins à Busnes, au domaine de Beaulieu. Une bouteille a même récemment voyagé jusqu’à un dîner de gala en Pologne. Exporter ? « Oui, un jour. Mais aujourd’hui on est seuls à tout faire. Alors un pas après l’autre. »
Une petite équipe, un esprit familial
Laurianne, son mari, leur salarié, un ami du village, et des saisonniers composent une équipe fidèle. Les vendanges attirent toujours : retraités, voisins, jeunes… « Tout le monde veut vivre l’expérience des vendanges dans le Pas-de-Calais. On n’a aucun mal à recruter. »
Dégustations, marchés de Noël, salons : en cette fin d’année, le rythme s’accélère. Les vins voyagent dans toute la France – et parfois bien plus loin – car les gens aiment offrir « quelque chose d’original et de local ». Les bouteilles trouvent leur place sur les tables de fête, notamment avec les fruits de mer, le chapon ou les Saint-Jacques.
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Le premier Salon des vignerons des Hauts-de-France, un tournant
L’événement, imaginé par Yannick Audineau, directeur du parc d’Olhain, est une étape décisive pour la filière. « On est une petite filière qui grandit vite. On veut montrer qu’on existe, qu’on est professionnels et soudés. » Plus de 130 vignerons participeront à cette première, dont 11 indépendants, venus du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme, de l’Aisne et du Cambrésis.
L’association des vignerons des Hauts-de-France, créée il y a un an, pourrait bientôt devenir une Fédération des vignerons indépendants. Objectif : se faire connaître, structurer la filière, accompagner les nouveaux projets, et montrer que le vin peut aussi être une histoire des Hauts-de-France.
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