Le Secours catholique a présenté jeudi matin, à Arras, son nouveau rapport annuel sur l’état de la pauvreté en France. Un bilan national inquiétant, qui révèle aussi des réalités très marquées dans le Pas-de-Calais, où la précarité progresse et touche de plus en plus de familles.
30 ans de rapport, et un constat qui s’assombrit
Pour cette édition anniversaire, le Secours catholique a analysé trois décennies de données sur la pauvreté en France. Raphaël Cartier, chargé d’études statistiques, souligne une conclusion immuable : « La pauvreté n’est pas choisie : elle ne résulte pas de choix individuels », insiste-t-il.
Les premières victimes restent les enfants :
- 97 % vivent dans un ménage pauvre
- 3 sur 4 dans un ménage extrêmement pauvre
- 20 % dans un foyer sans aucune ressource
Autre constat : la hausse des situations liées à la santé (handicap, maladies, usure professionnelle), qui concernent désormais 23 % des personnes accueillies, contre 15 % il y a trente ans.
Le rapport pointe également la progression massive du nombre de ménages étrangers suivis par l’association : 52 % en 2024, contre 20 % en 1994. Un chiffre qui ne reflète pas, selon l'institution, une hausse de l’immigration, mais une dégradation sévère des conditions de séjour et du droit au travail.
Dans le Pas-de-Calais : 17 000 personnes accompagnées en 2024. Sur le terrain, le Secours catholique dresse un tableau local préoccupant. Laurent Guillard, délégué départemental, détaille : « Nous avons accompagné 17 000 personnes cette année, grâce à 720 bénévoles répartis dans 46 équipes ».
Un maillage essentiel dans un département marqué par :
- de vastes zones rurales ;
- une forte proportion de familles isolées ;
- une présence importante de populations étrangères, notamment autour de Calais, où 600 à 700 personnes sont accueillies chaque jour dans le centre d’accueil du jour.
85 % des ménages en situation d’impayés
Le chiffre est alarmant : dans le Pas-de-Calais, 85 % des personnes reçues par le Secours catholique font face à un impayé, qu’il s’agisse :
- d’un loyer
- d’une facture d’eau
- ou d’énergie.
Les bénévoles constatent aussi une précarité féminine marquée : 49 % des personnes accueillies sont des femmes, souvent isolées ou mères célibataires.

Les politiques publiques pointées
Les chiffres nationaux de l’INSEE confirment la tendance : le taux de pauvreté atteint 15,4 %, un record depuis 30 ans. Pour le Secours catholique, cette aggravation est aussi le fruit de décisions publiques récentes comme le durcissement des conditions d’accès au chômage, le non-recours massif au RSA (39 %), le projet de gel des prestations sociales et la réduction de certaines aides comme la prime de Noël. « La pauvreté n’est pas une fatalité, mais elle résulte de choix politiques », rappelle Raphaël Cartier.
Les associations en première ligne, mais fragilisées
Comme partout en France, le Secours catholique du Pas-de-Calais doit faire face à une contradiction : la demande augmente… mais les moyens diminuent. Dons en baisse, subventions moins nombreuses, inflation qui pèse aussi sur les donateurs : la situation oblige l’association à revoir ses modes d’action. « Choisir, c’est renoncer », regrette Laurent Guillard. « Beaucoup de donateurs n’ont plus la possibilité de soutenir comme avant. Or, la pauvreté augmente : c’est un paradoxe auquel nous devons faire face. »
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