Antoine Sénéchal, pouvez-vous nous présenter le livre que vous venez de publier ?
Il s’intitule « La vie n’est pas un jeu » et il est sorti le 17 juin. C’est une autobiographie dans laquelle je raconte mon parcours en tant que greffé cardiaque. J’y retrace toutes les étapes de ma vie : de l’annonce de la maladie à la greffe, en passant par les traitements, les difficultés, mais aussi les moments d’espoir et de renaissance.
S’agit-il d’un récit médical, d’un témoignage personnel ou d’une histoire familiale ?
C’est un peu tout ça à la fois. Je pars de mon enfance, d’une époque où je ne savais même pas que j’étais malade, jusqu’à l’apparition des premiers symptômes, l’évolution de la maladie, le moment où j’ai dû porter un défibrillateur, puis la greffe elle-même. J’y parle aussi de ma vie après la greffe, qui est devenue bien plus « normale ». Ce livre, c’est un regard sur ma vie de greffé sous plusieurs angles, à la fois physique, émotionnel et social.
Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?
Depuis ma greffe, j’avais déjà cette envie de raconter mon histoire. J’ai commencé à écrire, à réécrire… Plusieurs fois. Et en septembre 2024, j’ai vraiment ressenti le besoin de m’y remettre sérieusement. J’ai tout repris depuis le début, réorganisé ce que j’avais déjà écrit, et peu à peu, tout s’est mis en place jusqu’à ce livre.
Écrire un livre, ce n’est pas anodin. Pour vous, c’était une libération, un témoignage, un passage de témoin ?
Je dirais que c’était avant tout une libération. Mettre des mots sur ce que j’ai vécu, sur ce que j’ai ressenti à chaque étape, m’a fait beaucoup de bien. Et puis, c’est aussi une forme de relais que je passe à d’autres greffés. Même si la greffe est centrale, je parle aussi d’autres choses, comme de ma dyslexie, ou de ma vie quotidienne. Beaucoup de personnes, même non greffées, peuvent se reconnaître dans certaines situations.
Vous avez été greffé à quel âge ?
J’ai été greffé à 17 ans et demi, en 2018.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre vie avant la greffe ?
À l’âge de 11 ans, on m’a diagnostiqué une cardiomyopathie hypertrophique, un épaississement du muscle cardiaque. La maladie a évolué lentement mais sûrement jusqu’à mes 17 ans. À un moment, mon cœur était tellement atteint qu’un défibrillateur ne suffisait plus. C’est là que l’option de la greffe a été envisagée. J’ai pu être greffé en seulement trois semaines, le 1er août 2018.
Et à partir de ce moment-là, c’est une nouvelle vie qui commence ?
Exactement. Depuis la greffe, je revis. Je peux à nouveau faire du sport, marcher, mener une vie normale. Pendant sept ans, de 11 à 17 ans, je n’avais quasiment plus d’activité physique. Donc oui, cette greffe a transformé ma vie.
Concrètement, qu’est-ce que cette greffe a changé dans votre quotidien ?
Je ne ressens plus cet essoufflement permanent. Je peux bouger, respirer normalement, m’investir dans des activités. C’est un vrai changement, une liberté retrouvée.
Quel âge avez-vous aujourd’hui et êtes-vous toujours suivi médicalement ?
J’ai 24 ans. Et oui, je suis encore suivi, tous les six mois voire une fois par an, pour m’assurer que tout va bien. On surveille aussi les effets secondaires des traitements antirejets, qui peuvent entraîner d’autres complications comme des cancers. Donc c’est un suivi global, très encadré.
Quel message souhaitez-vous transmettre à ceux qui hésitent encore à se positionner sur le don d’organes ?
Le message principal, c’est de parler à ses proches. Aujourd’hui, le plus gros obstacle, ce n’est pas le manque de donneurs potentiels, mais le silence. En cas de mort encéphalique, c’est à la famille que l’on pose la question du don. Si la personne n’a jamais exprimé son choix, la décision est beaucoup plus difficile à prendre. Donc le plus important, c’est de dire sa position clairement à ses proches. C’est une preuve de courage de la part des familles de donneurs, et je leur suis infiniment reconnaissant.
Y a-t-il des choses que le public ignore souvent sur le don d’organes ?
Oui, par exemple : aujourd’hui, plus de 20 000 personnes attendent une greffe. Chaque année, environ 6 000 greffes sont réalisées, mais trois personnes meurent chaque jour faute de donneur. Ce chiffre pourrait diminuer si davantage de personnes prenaient simplement le temps de discuter de leur position avec leurs proches.
Ce dimanche 22 juin, c’est une journée particulière pour vous. Pourquoi ?
Le 22 juin, c’est la journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe. C’est symbolique, même si on mène des actions tout au long de l’année. Rien que dans les Hauts-de-France, il y aura 7 à 8 événements ce jour-là. C’est un moment fort, mais notre engagement est constant.
On est plusieurs, dans les Hauts-de-France notamment, à s’unir pour sensibiliser autour de la greffe et du don d’organes. Les communes, entreprises ou pharmacies qui souhaitent devenir ambassadrices peuvent nous contacter. Nous avons déjà près de 70 villes mobilisées.
Où peut-on se procurer votre livre ?
Il est disponible sur Fnac, Cultura, Amazon, et également sur Le Furet du Nord. Pour le moment, il est en commande, mais il sera bientôt en rayon. J’ai déjà quelques séances de dédicaces prévues, notamment à Douai le 30 octobre et à Béthune le 15 novembre.
Vous évoquiez aussi votre papa, décédé récemment. Ce livre lui est-il dédié d’une certaine manière ?
Oui, bien sûr. Mon père souffrait de la même maladie que moi. Cela nous liait profondément. Mais il était aussi bipolaire, et il s’est suicidé en septembre 2024. Cet événement a aussi relancé l’écriture du livre. J’espère que mon témoignage pourra aider à sensibiliser sur la santé mentale, sur les souffrances invisibles, et sur l’importance d’écouter, de parler, de ne pas minimiser ce que traversent les autres.
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.